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Famille
Szyfman

Nouni-Aiguebelette
Jankiel SZYFMAN

Jankiel SZYFMAN est né le 31/12/1909 dans une famille juive aisée de Varsovie. Son père Simkha était négociant en tabac et Jankiel était l’aîné d’une fratrie de cinq. En 1925, comme beaucoup d’autres Juifs polonais, toute la famille a émigré en Palestine alors sous administration britannique et s’établit dans un moshav, village agricole moins communautaire que le kibboutz. Le jeune Jankiel adhère au Parti communiste palestinien. Les autorités britanniques le bannissent de Palestine et Jankiel retourne à Varsovie en 1930. Fréquentant toujours les milieux communistes, il devient pigiste dans la presse Yiddish et syndicaliste dans l’usine de textile où il avait trouvé du travail. C’est au cours d’un meeting du syndicat du textile que Jankiel rencontre Chawa qui devient sa compagne.

Chawa KAMIENKOWSKA est née le 10 octobre 1910 à Mrozy, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Varsovie. Son père épicier fréquentait la synagogue et faisait de son mieux pour s’occuper de ses dix enfants après le décès de son épouse, la fille aînée Rachel-Léa s’occupant de la maison et de ses jeunes frères et sœurs. Chawa n’avait que douze ans à la mort de son père et dut interrompre ses études pour aller travailler à Varsovie, dans la confection.

La vie militante conduit souvent à des heurts avec la police et des séjours en prison. La crainte d’une condamnation plus lourde que les précédentes pousse Jankiel à quitter la Pologne. C’est ainsi qu’il se retrouve à Paris en 1935 où il s’installe dans un petit logement rue Lacroix, près de Belleville, et où il gagne sa vie en travaillant comme presseur dans un atelier de confection. Il fréquente le milieu intellectuel yiddish de la mouvance communiste. Chawa rejoint Jankiel en 1936,. Le couple se marie et déménage près du square du Temple, dans un appartement guère plus confortable que celui de Belleville.

Après la déclaration de guerre du 3 septembre 1939, Jankiel s’engage comme volontaire étranger au 3e régiment étranger de marche, mais il est bien vite réformé à la suite d’un problème à l’œil droit. Jankiel et Chawa prennent alors la décision de rejoindre le frère de Chawa aux États-Unis. Ils prennent le train pour Bordeaux le 10 mai 1940, mais le début des hostilités complique le voyage et ils arrivent à Bordeaux pour apprendre qu’il n’y a plus de liaisons régulières par paquebot pour les États-Unis et sont donc obligés de retourner à Paris.

Jankiel et Chawa mettent au monde un bébé prénommé Albert Naôm le 17 avril 1941. Chawa racontera plus tard à son fils que Jankiel, de nature assez bohème, avait dépensé tout l’argent que Chawa avait économisé pour faire la fête avec ses amis poètes. La famille déménage alors au 104 rue Vieille du Temple.

Jankiel s’engage alors dans un chantier forestier à Joué, en Gironde, dans le cadre d’un « Groupement de travailleurs étrangers » (GTE). Il a en tête de profiter de ce séjour en Gironde pour trouver une filière de passage en Espagne, sans succès, puisqu’il rentre à Paris en décembre 1941.

D’après Albert SZYSMAN, encore bébé à cette époque, mais qui le tient probablement de sa mère, en mai 1942, la famille quitte Paris et se dirige vers le Sud par petites étapes, en bénéficiant d’une filière d’amis communistes et passe la ligne de démarcation  le 30 juillet 1942. La famille se fait alors enregistrer pour être en situation régulière, et ils sont assignés à résidence à Aigurande, dans le département de l’Indre.

La famille SZYSMAN, père, mère et bébé, est raflée le 26 août 1942 à Aigurande et regroupée avec les autres raflés du département au camp Le Douadic, entre Châteauroux et Poitiers. Une entérite aiguë du petit Albert et la complaisance d’un secrétaire de préfecture vaut à la famille Szysman une permission de sortie pour aller consulter un médecin, assortie d’une nouvelle assignation à résidence. Ils ont ainsi échappé, sans en avoir exactement conscience, à la déportation vers Drancy puis vers Auschwitz.

La famille SZYSMAN vit alors dans une situation de semi-clandestinité puisqu’ils élisent domicile non pas là où ils étaient assignés à résidence, mais dans une ferme amie, et Jankiel travaille régulièrement à Montgigray, dans un GTE, à une vingtaine de kilomètres d’Aigurande. Leur situation dans le secteur leur apparaît de plus en plus risquée avec une nouvelle rafle de 20 hommes, à Aigurande, en février 1943.

Les SZYSMAN bénéficient alors d’une filière qui les exfiltre d’Aigurande, leur procure une planque et les achemine finalement vers la zone d’occupation Italienne, d’abord à Romans-sur-Isère où ils se font faire de faux papiers, puis à Aiguebelette. Ils logent à l’hôtel Beauséjour de Madame Patat et peuvent ainsi jouir pendant quelques mois de la protection italienne, avant que les Allemands ne reprennent le contrôle de la Savoie, en septembre 1943. 

En 2012, Albert écrira que son père était souvent absent car il participait aux activités d’un groupe de FTP-MOI du côté de Chambéry, son rôle spécifique étant dans le domaine de l’approvisionnement. Le 13 novembre 1943, Jankiel se rend à Chambéry en emportant ses vrais papiers au lieu de prendre les faux, comme il le faisait habituellement. Il se fait prendre lors d’un contrôle  dans un tram, dirigé vers Drancy, puis, le 20 novembre, sur Auschwitz où il est assassiné le 25 novembre.

Chawa et son fils restent à l’hôtel Beauséjour jusqu’à la fin de la guerre. Comme les faux papiers dont ils se sont dotés les ont domiciliés à Romans, ils doivent y retourner régulièrement pour renouveler leurs tickets d’alimentation. Lors de l’un de ces voyages, des miliciens montent dans leur train pour effectuer un contrôle d’identité. Chawa se sent incapable de justifier de sa fausse identité avec son accent encore très marqué. Lorsqu’un milicien entre dans le compartiment, elle saisit son enfant et le tend à bout de bras vers le milicien en lui murmurant « sauvez mon enfant ». Le jeune milicien ne dit rien, sort à reculons du compartiment sans rien dire à ses collègues.

En février 1945, Chawa et Albert, toujours à l’hôtel Beauséjour, reçoivent de la part d’un cheminot un mot griffonné au crayon à papier :

"Vous qui avez trouvé ce message, je vous prie de l’envoyer à l’adresse de la famille du déporté en Allemagne. Merci !!!

Paris Drancy 20 novembre.

Mes chers femme et enfant, nous partons aujourd’hui de Drancy en direction de l’Est. Nous sommes pas mal équipés, on nous a rendu notre valise à Chambéry et on a reçu chacun un pardessus, une couverture et des vivres pour le voyage. Notre courage est excellent, on a la conviction qu’on se reverra bientôt. Fais attention aux enfants et gardez votre courage. Mes baisers. Jankiel"

Ce message rendit un peu d’espoir à Chawa qui rentra à Paris avec son fils au début du printemps 1945. Bien vite elle comprit que Jankiel ne reviendrait pas. Chawa se remaria avec un certain Herschel, lui aussi volontaire étranger en 1939, mais qui avait eu la chance de ne pas être réformé, d’être fait prisonnier et de rester dans un stalag pendant toute la durée de la guerre.


SOURCES : Pour l’essentiel, les informations contenues dans ce récit proviennent du livre publié par Albert Szyfman en 2012, Une enfance juive dans la tourmente du 20e siècle, Nouni, roi d’Aiguebelette. Si l’auteur, tout juste âgé de quatre ans en 1945 a pu graver dans sa mémoire quelques images furtives d’Aiguebelette, on est en droit de supposer que l’essentiel des informations lui ont été transmises par sa mère. L’auteur semble avoir également fait des recherches dans les archives départementales de l’Indre.

Le site AJPN connaît Jankiel Szyfman dans sa page relatant les arrestations à Chambéry.

http://www.ajpn.org/arrestation-1-73065.html

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